La Pêche
La pêche est une partie importante de la vie sur Karaka, surtout lorsque nous sommes au large et dans les îles reculées.
Tout le monde participe à la capture, la mise à mort, la découpe, la préparation et à la consommation du poisson, pour nos repas communs.
Nos moyens de pêche sont surtout la traîne et la chasse sous-marine, avec un peu de pêche de fond de temps en temps, quand ça mord bien et que la pêche au harpon est interdite, par exemple.
La pêche à la traîne se fait à l’arrière du bateau en nav, généralement avec deux lignes dans l’eau, tirant des leurres qui nécessitent de la vitesse pour être efficaces. On a deux moulinets attachés sur la rambarde à l’arrière avec des serflex, montés avec du gros fil. Comme leurres on utilise surtout des jupes de calamar en plastique quand on va vite ou des leurres à cuillère type Rapala pour les basses vitesses. On pêche aussi à la traîne derrière la pirogue à voile quand on est au mouillage.
Lorsque le poisson a mordu, on met des gants et le sort à la main, car on n’a pas de canne pour le combattre. Le fil est suffisamment gros pour ne se casser que lorsque de très gros poissons mordent, genre marlin ou les grands thons.
A la traîne comme ça, on sort pas mal de poissons. On attrape principalement des pélagiques comme les thons, bonites, dorades coryphènes, maquereaux, thazards, barracudas, carangues, et même de temps en temps un marlin ou un poisson voilier. Le plus gros poisson qu’on ait pêché de cette façon était un voilier de 40 ou 45 livres dans le nord de Zanzibar.
On mange généralement le poisson immédiatement car on n’a pas de frigo. Soit on le prépare tout de suite ou sinon on le fait mariner pour le faire au barbecue si on prévoit d’arriver la même journée. S’il y a trop de viande, on la fait sécher au soleil après l’avoir marinée dans l’huile et le vinaigre et roulée dans des épices. On la suspend à l’extérieur pendant quelques jours et ça nous donne un petit snack pas dégueu qui se conserve quelques semaines sans sentir le vieux poisson. C’est assez similaire au Jerky américain ou au Biltong sud-africain, mais avec du poisson. C’est bien meilleur au goût et à l’odeur que le poisson séché à l’asiatique.
Parfois quand on est à l’ancre, on pêche à la ligne à main la nuit, mais c’est rare, car on préfère ne pas avoir à préparer, couper, cuisinier et manger un gros poisson à 11 h du soir, et sans frigo il ne garderait pas jusqu’au lendemain sous la chaleur des tropiques.
Sinon, quand il n’y a pas de restrictions et où l’eau est bonne, la chasse sous-marine est le principal moyen de fournir de la viande à l’équipage. Pour ce genre de pêche, on utilise des fusils harpon avec des sandows en caoutchouc. On plonge en apnée sur les tombants des récifs et dans les lagons.
Au fusil, on tire surtout des mérous, des vivaneaux, des carangues et des poissons comme ça, et puis aussi bien-sûr des langoustes. C’est rare mais parfois un pélagique s’aventurera assez près pour être tiré au fusil, on a déjà sorti des dorades coryphènes, des barracudas, des bonites et des thazards.
La menace du requin est prise en charge par l’un des plongeurs, qui tire un kayak derrière lui, afin de pouvoir sortir le poisson de l’eau dès que possible. On n’a jamais eu d’accidents graves avec des requins, mais on en voit beaucoup et de temps en temps ils sont curieux et même agressifs. On ne se laisse pas faire. Heureusement qu’il y a encore des parties du monde où la population de requins est encore très active, plonger avec les requins est une chose fascinante et ils sont essentiels pour la santé des récifs. Bien que les barracudas ne soient pas agressifs, ils peuvent s’exciter quand il y a du poisson au bout d’une flèche, et dans ces situations, ils deviennent dangereux. La plus grosse frayeur que j’ai eue, c’était avec un barracuda à Cuba. Voici un article en anglais avec toute l’histoire : article Barracuda.
Nous pêchons donc principalement pour la nourriture, mais cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas trouver l’activité agréable et enrichissante.
Tom garde ses histoires de pêche épiques pour une bonne soirée en sirotant du rhum sur le pont arrière…
Végétariens et Végans
Ces repas sont le ciment de notre communauté. Cela pose évidemment un problème pour les végans et les végétariens qui ne tuent pas et ne mangent pas de poisson, car ils en sont exclus et restent à part, surtout s’ils désapprouvent ouvertement.
On ne reçoit donc pas d’équipiers végans et végétariens.
Voici une explication détaillée du pourquoi :
Sur le plan pratique, il est tout simplement difficile d’être végan en faisant ce que nous faisons. Cela n’est non plus pas vraiment nécessaire, car en attrapant notre propre poisson, nous ne participons pas à l’industrie de la viande et de la pêche, qui sont en grande partie ce que le véganisme permet d’éviter. Manger du poisson sauvage pêché depuis le bateau réduit réellement notre empreinte carbone, même par rapport à une alimentation végane. Nous attrapons notre propre nourriture, elle est saine, ne pollue pas, n’émet pas de CO2 et on peut même dire que c’est moins pire que d’acheter des aliments végans importés depuis l’autre bout de la planète et emballés dans du plastique.
Sur le bateau, on essaye plutôt d’être des omnivores éthiques. Nous mangeons très peu de viande autre que le poisson et les fruits de mer que nous attrapons parce que nous n’avons pas de frigo pour le garder au frais, mais on mange aussi régulièrement des produits laitiers et des œufs locaux. On mange de la viande quand on estime qu’il est justifié de le faire, ce qui est plutôt rare. Lorsque les produits d’origine animale se font rare à bord, quand on est loin de tout par exemple, on mange souvent végan, mais par nécessité, pas par choix. On fait fréquemment des crêpes véganes le matin, par exemple, quand on n’a plus de lait ni d’œufs. On connaît beaucoup d’excellentes recettes véganes, dont certaines qui sont très pratiques sur un bateau, on a même des livres de cuisine véganes à bord, mais on ne se limite pas aux aliments végans si on a le choix.
Pour les végans à bord il est parfois très difficile de trouver des produits frais pour maintenir une alimentation équilibrée, surtout au large ou dans des îles éloignées, sans village et ni magasin à proximité. Il devient très rapidement très peu pratique d’être un végan en bonne santé à bord d’un petit bateau au milieu du Pacifique par exemple. Une alimentation équilibrée est déjà plus difficile à obtenir en tant que végan en voyage, il l’est d’autant plus sur un bateau en mer sans source fiable de fruits ou légumes frais. Les conserves de fruits et de légumes achetées en magasin ne sont pas bien mieux qu’un steak de poisson au niveau nutrition, santé et environnent, ni aussi bonnes, pour être honnête. Il faut beaucoup d’efforts pour obtenir les aliments nécessaires à un régime végétalien complet et cela coûte en général plus cher. Il est possible de faire des conserves soit même par exemple, mais c’est beaucoup de travail, et dans certains atolls reculés, quasiment tous les fruits et légumes sont importés. Les noix, amandes et autres graines sont essentiels pour une alimentation végane équilibrée en l’absence d’une source fiable de fruits et légumes, mais dans la plupart des endroits où nous allons, elles sont hors de prix, et il est même plutôt rare d’en trouver. Dans ces conditions, nous trouvons qu’il est bien mieux de manger comme les locaux, ce qui veut dire en consommant des produits d’origine animale.
Les efforts et les coûts additionnels pour accommoder l’alimentation des végans à bord ne nous semble pas valoir le coup, donc on évite les végans. Et bien sûr, on n’est pas non plus super fans de l’idée de discuter sans cesse de cela à chaque repas avec l’équipage ou d’avoir à subir les regards horrifiés et les commentaires désapprobateurs de nos équipiers végans chaque fois que nous tuons un poisson.
Car il est également problématique d’avoir un équipage mixte végan et non végan dans une petite communauté comme Karaka. La cuisine du bateau est petite et il n’est pas très pratique de cuisiner à la fois quelque chose de végan et quelque chose de non végan pour un même repas. À tout le moins, cela nécessite une planification minutieuse et du travail supplémentaire.
Les équipiers non végans qui veulent être gentils (ou simplement éviter l’agressivité passive de leurs amis végans) se mettent en général à cuisiner de plus en plus de plats végans (qui sont souvent dégueux sans produits frais) même s’ils préféreraient ne pas le faire. Au bout d’un moment, les non végans commencent à en vouloir aux végans de limiter ce que tout le monde mange, et à les forcer à manger végan plus qu’ils ne le souhaitent. Le résultat peut être explosif (si vous êtes végan, vous devez avoir été entraîné dans de longs débats sur le sujet autour d’une table auparavant, donc vous devriez savoir de quoi je parle) et tout cela est certainement corrosif pour la cohésion d’un groupe. C’est une dynamique de groupe normale et commune, mais on préfère l’éviter dans le cadre d’un équipage en mer.
Donc, si vous préférez être végan, nous n’avons aucune objection, car c’est une option très viable pour réduire votre empreinte carbone si vous vivez dans une ville, par exemple, mais à de très rares exceptions pour des individus exceptionnels, on a décidé de ne pas accepter les végans ou les végétariens à bord. La raison principale étant qu’ils sont exclus d’une partie très centrale de notre style de vie et cela crée de l’isolement, de la tension et du mécontentement, affectant négativement l’harmonie de l’équipage.
Cela n’a rien à voir avec le végan en tant que personne ni même contre le véganisme en soi, mais comme la pêche et les repas communautaires non végans font partie intégrante de notre mode de vie, toute personne qui nous rejoint doit y participer. Les végans ne peuvent y participer tout en restant végans, ils n’ont donc pas leur place dans notre communauté. Il y a une incompatibilité.
Cela dit, pour compenser, nous sommes également en contact avec des bateaux végans qui prennent parfois des équipiers, si vous êtes végans, n’hésitez pas à nous demander leur contact, on vous redirigera vers eux.
La Plongée
Concernant la plongée, il est à noter qu’on n’a pas d’équipement de plongée bouteille à bord. On a cependant de la place pour en avoir à bord, si quelqu’un veut apporter le sien. On n’a pas de compresseur mais il est toujours possible de remplir les bouteilles dans les centres de plongée.
Tom est certifié Advanced Open Water avec PADI avec environ 80 plongées bouteille. Il ne se souvient pas avoir payé pour plonger, ayant appris dans les livres et sur le tas en nettoyant la coque du premier bateau sur lequel il a bossé. Il a été certifié par une amie au Costa Rica et n’a pas plongé en club depuis, seulement en privé depuis des voiliers.
La plupart de nos plongées se font en apnée, on s’entraîne régulièrement avec les équipiers et il n’est pas rare d’avoir des équipiers qui n’ont jamais fait d’apnée avant de venir à bord qui deviennent assez à l’aise pour rester sous l’eau plusieurs minutes et descendre à 30m. On se surveille et on suit bien évidement toutes les règles de sécurité pour cette activité, somme toute assez dangereuse.