Partage des coûts et dépenses

Type de dépenseCoût par personne
Participation aux frais du bateau750$ USD par mois
Estimation des frais de nourriture (hors alcool)200$ USD par mois
Frais de visas, santé, assurances personnelles, etc…Selon le pays et le choix de chacun, ce sont des frais qui restent personnels

Cette page aborde un sujet que personne n’aime vraiment évoquer, mais qu’il est nécessaire d’expliquer clairement : notre système de partage des coûts et les dépenses liées à être membre d’équipage sur Karaka.

Chaque membre d’équipage est invité à contribuer financièrement pour couvrir sa part des frais de fonctionnement du bateau, ce qui comprend tout sauf la nourriture et les dépenses personnelles comme les visas. La contribution demandée est de 750 USD par mois.

Cette contribution financière est exclusivement utilisée pour le fonctionnement du bateau. Tom et Emma, en tant que propriétaires et membres d’équipage permanents, ne tirent aucun profit de cette somme. Elle couvre tous les frais liés à Karaka : droits de port, marinas, carburant, entretien, etc. Elle ne couvre pas la part individuelle de chaque membre pour la nourriture, ni leurs dépenses personnelles comme l’alcool, Internet, assurances, etc. En règle générale, chaque membre d’équipage est censé contribuer à ce montant pendant son séjour à bord. Il arrive qu’on réduise cette contribution, mais ce n’est pas garanti, car nous devons rester équitables et un certain montant est nécessaire pour maintenir le bateau à flot.

Une coopérative est généralement définie comme une association autonome de personnes unies volontairement pour répondre à leurs besoins et aspirations communs. Sur un bateau, cela ne signifie pas nécessairement une propriété partagée. C’est parfois le cas, mais pour un voilier de taille moyenne, il est beaucoup plus pratique, pour de nombreuses raisons, d’avoir une seule personne comme propriétaire légal (ici, Tom). Il prête alors un bateau en état de naviguer à la coopérative et demande simplement à chaque participant de le maintenir en bon état pendant le voyage, afin qu’il reste aussi sûr à la fin qu’au début. Cela implique évidemment du travail et des fonds, que chacun doit fournir équitablement, d’une manière ou d’une autre.

Chaque membre d’équipage naviguant à bord de Karaka doit contribuer. Karaka a besoin de fonds, de compétences et de main-d’œuvre pour continuer à naviguer. La plupart des nouveaux équipiers étant des inconnus pour nous, nous ne pouvons pas présumer de leur capacité à fournir du travail ou des compétences. Par simplicité, nous demandons donc une contribution financière hebdomadaire.

Nous préférons être payés en espèces, en monnaie locale ou en devises fortes (USD, euros…).

Nourriture

Pour la nourriture, nous utilisons une application simple appelée Tricount, dans laquelle chacun note ce qu’il dépense. L’application calcule ensuite qui doit quoi à qui pour équilibrer les comptes. Par exemple, quelqu’un peut payer les courses au supermarché, un autre les produits frais au marché, un autre encore une caisse de bière pour une fête, et l’appli nous indique comment équilibrer le tout. C’est simple, pratique et équitable. Même si certains mangent plus que d’autres, nous ne voulons pas compliquer les choses à ce niveau. En général, la nourriture revient à environ 200 USD par personne et par mois, pour une alimentation simple mais nutritive. Ce n’est pas de la grande cuisine, mais on peut très bien manger avec des produits frais et un peu d’ingéniosité. Consultez les recettes et astuces d’Emma sur notre site.

La plupart des gens qui nous écrivent pour rejoindre l’équipage trouvent ces conditions justes et comprennent que naviguer a un coût. Nous devons rarement justifier cette contribution. C’est un bon système, mais il n’est pas parfait, et nous sommes ouverts à le changer si nous trouvons mieux.

Et si on n’a pas les moyens ?

Certaines personnes très intéressantes n’ont pas les fonds, que ce soit parce qu’elles viennent de pays où ces sommes sont inaccessibles ou parce qu’elles refusent le système capitaliste. Ces personnes peuvent tout de même venir, mais elles devront trouver un moyen de gagner de l’argent à bord. Il existe mille façons de gagner sa vie en voyageant, et nous sommes ouverts à cela. L’idéal serait de former un équipage d’artistes, artisans ou musiciens pour vendre ou se produire dans chaque port. C’est difficile à organiser, mais nous aimerions beaucoup. Quoi qu’il en soit, une contribution reste nécessaire, car le bateau a des besoins constants.

L’idée, c’est de partager les frais de fonctionnement du bateau.

Chaque équipier vient sur Karaka de son plein gré, pour en tirer des bénéfices personnels : apprendre à naviguer, explorer des endroits incroyables, vivre en communauté, faire du surf, de la plongée, de la pêche, du kayak… Il est donc juste que chacun contribue, non seulement par le travail, les quarts et la cuisine, mais aussi financièrement.

Nous ne sommes pas des gens riches qui embarquent des amis. C’est un bateau coopératif, un bateau partagé.

Où va l’argent ?

D’abord, il ne va jamais dans nos poches. C’est non lucratif. Tout l’argent sert uniquement au bateau. Nous préférons garder cela non commercial, ne pas traiter les équipiers comme des clients. C’est un choix personnel : on pourrait en tirer un profit, mais on ne le veut pas. Notre vie nous satisfait comme elle est. Commercialiser l’expérience changerait l’ambiance du bateau.

Nous gagnons notre propre argent à côté — vous pouvez nous demander comment si ça vous intéresse. On vit très simplement, on dépense peu, et quand on le fait, c’est surtout pour améliorer le bateau, manger de bons produits français ou boire un bon alcool.

Et ces fameuses “dépenses” ?

Ce mot peut sembler flou, mais chez nous, il désigne tous les coûts à long terme du bateau, sans exception : carburant, filtres, ports, remplacements de matériel, peinture, entretien annuel, gilets de sauvetage, voiles, pièces moteurs, cordages, annexe…

Exemple :
On part du port A avec un bateau en parfait état. Quatre nouveaux équipiers embarquent. Après un océan traversé et quelques îles visitées, on arrive au port B. Le bateau n’est plus dans le même état : une voile déchirée, peinture écaillée, rouille, rame perdue… Il faut réparer pour que l’équipage suivant reparte avec un bateau sûr. Les coûts ne se limitent donc pas au carburant ou aux ports.

Même chose si le moteur est utilisé faute de vent. Tout le monde partage la facture de carburant. Mais si une voile se déchire ? Est-ce au capitaine de payer ? Ou est-ce plus juste que tous ceux qui utiliseront cette voile paient un peu ?

C’est pour ça que la contribution hebdomadaire a du sens. Ces dépenses ne peuvent pas être partagées « en direct » comme pour la nourriture. Même dans une coopérative sans propriétaire, on recommanderait ce système. C’est le plus viable qu’on ait trouvé.

L’argent n’est pas forcément dépensé tout de suite, il est mis de côté pour les besoins futurs.

Et si on nous reproche ce système ?

Certains trouvent absurde un tarif fixe alors que le nombre d’équipiers varie. Mais nous demandons déjà le minimum. Quand il y a moins de monde, on serre la ceinture ou on paie de notre poche. Mais le bateau a besoin d’un budget minimum constant. On a mis des années à arriver à ce montant juste et pratique.

D’autres disent que certains bateaux prennent tout à leur charge. C’est vrai, mais souvent parce que le skipper cherche de la compagnie — féminine, jeune, qui sait cuisiner et tenir un bateau… Ou bien il a besoin de main-d’œuvre. Rien d’égalitaire là-dedans. Ces skippers décident de tout, peuvent vous virer à tout moment.

Et puis travailler sur un yacht, c’est autre chose. Même les marins expérimentés peinent à trouver des postes intéressants. Et quand on travaille, ce n’est plus du loisir. On est là pour bosser, pas pour s’amuser.

Certains disent qu’on peut faire tout ça pour beaucoup moins cher. C’est vrai pour certaines navigations. Mais pas pour ce que nous faisons avec Karaka. C’est comme reprocher à un chauffeur de bus le prix du billet parce qu’on préfère voyager à vélo.

Et dans ce cas, notre réponse est :
“Si ça ne te plaît pas, ne bloque pas la route, laisse la place aux autres.”
Mais nous, on le dira avec plus de gentillesse 😉

the refit : the hull
Chantier de Kudat, 2017-2018

Tout cela dit, de temps en temps, sur les réseaux sociaux ou même parfois par message privé, il arrive que quelqu’un remette en cause le côté équitable de la chose. Voici donc notre réponse pour ceux qui y voient à redire. Pas la peine de lire ce qui suit si vous n’avez aucun problème avec la cotisation.

L’une des objections que nous rencontrons est qu’une cotisation fixe est ridicule car, comme le nombre d’équipiers varie, il devra en être de même pour la cotisation, sinon ce n’est pas vraiment un coût partagé. La façon dont cela fonctionne, c’est qu’on demande déjà le minimum possible, de sorte que lorsqu’il y a moins de personnes à bord, eh bien, c’est pour notre pomme. On collecte moins pour la caisse de bord et il y a moins à investir dans l’entretien du bateau. Si tout va bien, ce sera compensé par un futur équipage plus complet, sinon, cela sortira de nos poches. Mais quoi qu’il en soit, le bateau a besoin d’une certaine somme d’argent pour tourner et après des années d’expérimentation, en étant toujours flexible pour tenir compte des économies et des conditions actuelles, on a opté pour l’instant pour une cotisation  par personne.

Certaines personnes objectent qu’il y a des bateaux sur lesquels le propriétaire paie tous les frais. C’est vrai, mais d’après mon expérience, c’est parce qu’ils sont seuls et veulent de la compagnie, préférant généralement une jeune femme qui peut cuisiner et faire le ménage et qui n’est pas trop dégueu en bikini. Ou bien ils ont vraiment besoin des équipiers, tout simplement parce qu’ils ne sont pas en forme ou suffisamment expérimentés pour naviguer seuls. Souvent, ils prennent des équipiers pour les grandes traversées, et les déposent a l’arrivée pour pouvoir aller se balader tranquille. Dans tous les cas, ils ne paieront les dépenses de l’équipier que si l’équipier correspond à un certain profil, par besoin, que ce soit en fonction de la taille du tour de poitrine ou de l’expérience et des compétences réelles ou même simplement de la force physique. Ils attendent un service de la part de l’équipier en échange de ce trip gratuit. Sur tous les bateaux, il y a quelqu’un qui paye pour les frais, et si ce n’est pas l’équipier, alors cet équipier n’est pas un participant a part égal. C’est du volontariat, avec service rendu et contrepartie. Dans certain cas c’est même de l’exploitation, car ce n’est rien d’autre qu’un boulot sans salaire. Cela n’a rien d’égalitaire. L’équipier sur ces bateaux est aux ordres et à la merci du skipper, qui décide de tout de façon autocratique, y compris l’emploi du temps de l’équipier, car c’est son voyage, et l’équipier n’a pas son mot a dire. Cela implique une atmosphère différente de ce que l’on a sur Karaka. Il y a des exceptions bien sûr, mais elles sont extrêmement rares.

A noter que l’équipage professionnel, c’est encore autre chose. La réalité est qu’un équipier inexpérimenté lambda ne trouvera pas de travail rémunéré sur un yacht. Même les marins les plus qualifiés ont du mal à trouver des boulots intéressants qui ne les obligent pas à passer des heures à faire briller les cuivres, à récurer les chiottes et à être aux petits soins des propriétaires. Un boulot est un boulot, et même si cela peut être intéressant et rémunérateur de travailler dans l’industrie du yachting, ne le confondez pas avec une partie de plaisir. Vous n’êtes pas censé vous y amuser, vous êtes censé travailler dur. Très dur même. Et si après tout ça. Vous pensez encore que l’on va vous devoir quelque chose en contrepartie de votre travail sur Karaka en tant qu’équipier, je ne peux plus rien pour vous, vous vous êtes trompe de bateau, allez voir ailleurs.

Une autre objection qu’on nous donne, c’est qu’il est possible de faire ce qu’on fait pour beaucoup moins cher. Ça vient généralement de personnes ayant une petite expérience de la voile et qui comparent la navigation comme ils la connaissent, et ce que cela leur a coûté, avec le montant d’argent qu’elles estiment on récupère chaque semaine avec notre cotisation. Ils nous disent qu’on est des enfoirés hypocrites et qu’ils savent très bien qu’on n’a pas besoin de tant d’argent pour naviguer. C’est vrai que c’est le cas dans certaines situations, mais pour ce qu’on fait avec Karaka, ce n’est tout simplement pas le cas. Qu’est-ce qu’on peut dire ? C’est un peu comme si quelqu’un qui voyagerait habituellement avec vieux vélo disait au chauffeur de bus que le prix du billet de bus était trop élevé, car tout le monde sait que cela ne coûte pas autant de se déplacer. Que peut dire le chauffeur de bus ? Ce qu’il va dire, c’est : « Très bien, mais si t’as pas le prix du billet, tu montes pas dans le bus, tu continues à vélo. » Nous on essaye d’être plus sympas que ça, on a pris la peine d’écrire tout ce texte pour expliquer. Le fait est qu’on ne peut pas comparer les choses qui ne sont pas les mêmes. Un bus coûte plus cher à faire tourner qu’un vélo. Naviguer quelques mois en côtier sur un Tupperware pourri de 25 pieds sans autre équipage que votre chien est potentiellement beaucoup moins coûteux que de naviguer avec Karaka. C’est un truc sympa à faire mais ce n’est évidemment pas la même chose que ce qu’on fait nous. Les mots clés ici seront « ketch en acier de 53 pieds », « équipage de 6 ou 7 personnes », «croisière hauturière tour-du-mondiste » et « long terme ». Réfléchissez aux implications de ce que ces mots représentent avant de faire des hypothèses hâtives et erronées sur le coût de l’opération d’un bateau comme Karaka.

Et bien sûr, si vous savez comment faire ce qu’on fait pour moins cher, on aimerait que vous nous expliquiez, parce que ça va faire plus de quinze ans maintenant qu’on y réfléchit et qu’on le vit, et croyez-nous, on n’aime pas dépenser plus que nécessaires. On pense avoir mérité un certain respect en la matière et que notre expérience a une certaine valeur. On est maître es récup’, officiers en pukuk (https://alutiiqmuseum.org/word-of-the-week-archive/559-salvage), on ne néglige jamais de regarder s’il n’y aurait pas quelque chose d’intéressant si on voit une benne à ordures prometteuse (celles des marinas sont des mines d’or), on jette rarement quoi que ce soit, on répare tout nous-mêmes, on est plutôt très bons pour dénicher les bons coups… Donc, si on vous dit qu’on ne voit pas comment faire moins cher, vous pouvez nous croire.

Mais mais mais, me dites-vous. Je ne vous connais pas, comment puis-je vous croire sur parole ? Comment s’assurer que ce soit vraiment équitable ? Comment savoir si un skipper surcharge ou non son équipage ? C’est pas impossible, vous savez, ça arrive… Il n’y a aucun moyen de répondre à ces questions. Il n’y a pas de contrôle des dépenses par le gouvernement; on ne dépend d’aucun gouvernement. Le capitaine en a le contrôle total. C’est donc une question de bon sens, de feeling et de confiance. C’est pourquoi on a écrit tout ça, pour que vous, qui pourriez être membres potentiels de l’équipage sur Karaka, réalisiez que nous sommes francs, honnêtes et qu’on vous propose en fait un super bon deal.

Maintenant, si après avoir lu tout ça. Vous pensez toujours que notre co-op n’est pas équitable, alors, comme un chauffeur de bus, on ne va tout simplement pas vous laisser monter sur le bateau et faire partie de la coopérative. 

Et si quelqu’un pense qu’on est plutôt cool et veut nous offrir une bière, vous pouvez aussi nous soutenir avec un don.