La Voile

Foc

Cette page a pour but de clarifier quelques détails au sujet de la pratique de la voile sur Karaka.

Dans la mesure du possible, nous enseignons la voile aux équipiers, bien que Karaka ne soit pas un voilier-école. Nous ne sommes pas des moniteurs de voile qualifiés et on ne peut pas délivrer de certificats. En tant qu’équipier, ce sera plutôt une approche pratique, un apprentissage sur le tas, que des leçons structurées.

Une chose à bien comprendre, c’est qu’apprendre par cœur comment fonctionne Karaka (ou tout autre voilier) est presque inutile. Cela peut être utile de temps en temps sur Karaka, mais cela ne fera pas vraiment de vous un marin complet. Bien que l’on fasse des efforts pour répondre aux questions et expliquer les choses à ceux qui essaient activement d’apprendre, on ne consacre pas beaucoup d’énergie à enseigner aux gens comment faire les choses. On préfère enseigner une attitude, celle de comprendre comment faire les choses.

De cette façon, les gens arrivent à comprendre ce qu’ils font au lieu d’être des automates à nos ordres et, plus important encore, ils gagnent en confiance et savent que s’ils oublient une connaissance spécifique, ils pourront la retrouver à nouveau en cas de besoin. La quantité de connaissances nécessaires pour faire fonctionner un voilier est assez élevée et peu de gens peuvent prétendre se souvenir de tout après seulement quelques mois, voire quelques années de navigation. Après un certain temps, avec l’expérience, les choses deviennent naturelles, mais pour le débutant, la chose la plus importante est de pouvoir déterminer sur le moment ce qui doit être fait et être capable de trouver une façon efficace et valable de le faire. Naviguer sur Karaka aide certainement à développer cela chez les équipiers.

 

Quelques faits concernant la navigation sur Karaka

Karaka est un grand bateau. Ce n’est pas un bateau de course mais à sa manière, c’est un bateau agréable à manier. Il est plutôt lourd et costaud, confortable et très indulgent. On n’a pas d’équipement très sophistiqué ni d’appareils permettant de nous faciliter la tâche, comme un foc sur enrouleur, un pilote automatique, des winchs électriques ou des trucs comme ça, on tourne plutôt à l’ancienne. Cela rend les manœuvres un peu plus difficiles, mais de notre point de vue, aussi plus authentiques et enrichissantes. Ce type d’équipement est aussi assez fragile et coûte très cher, donc ne pas en avoir nous évite beaucoup de dépenses et de soucis.

Le Gréement

Karaka a un gréement petit, ce qui signifie que les mâts ne sont pas très grands pour la taille et le poids du bateau. On est donc un peu sous-toilé et moins rapide, mais en même temps c’est aussi plus costaud et plus résistant, ce qui nous rend capables de gérer des conditions plus fortes sans inquiétude. C’est à notre avis mieux pour le genre de navigation au long cours que l’on fait. Karaka est plutôt rando que sprint.

Karaka est un ketch et le gréement de ketch est particulièrement adapté à notre mode de navigation.

Un ketch est un bateau qui a deux mâts, le plus haut étant celui de l’avant. Être un ketch n’a rien à voir avec le type de coque du bateau, le nom du ketch se rapporte au gréement.

La garde-robe de Karaka est généralement de 3 voiles, l’artimon sur le petit mât du même nom à l’arrière du bateau, la grand’ voile au milieu entre les deux mats, et le foc à l’avant.

L’artimon et la grand voile sont tous deux baumés alors que la voile d’avant est sur étai.

Artimon

Comme je l’ai dit plus haut, il n’y a pas d’enrouleur sur Karaka, et les voiles sont hissées et abaissées à chaque utilisation, en terme marin on dit que la voile d’étai est endraillée. On a une large sélection de voiles, pour s’adapter à toutes les conditions, depuis de minuscules voiles de tempête (appelés tourmentins) jusqu’aux gigantesques spi. Cela nous donne le choix et on les change souvent en cours de route pour nous adapter à la force du vent.

La grand’voile et l’artimon ont tous deux des ris qui nous permettent de réduire la surface de voile lorsque le vent forcit. 

Le gréement de ketch a également cet avantage qu’en cas de coup de vent soudain, la grand-voile peut être affalée sans trop affecter l’équilibre du bateau. Karaka est d’ailleurs un bateau bien conçu et bien équilibré et il nous arrive de le laisser aller pendant des heures sans toucher à la barre, une bénédiction lorsque vous n’avez pas de pilote automatique. Il faut juste quelques ajustements pour obtenir les bons réglages et trouver la position de la barre idéale où le bateau va se tenir avec une pression égale sur l’artimon et sur le foc, ce qui va le garder sur le bon cap, se déroutant de quelques degrés tout au plus, tant que le vent reste stable.

 

Le régulateur d’Allure

Avec cette capacité à se barrer tout seul, Karaka est parfait pour l’utilisation d’un régulateur d’allure.

Un régulateur d’allure est un engin monté sur l’arrière du bateau et qui consiste en un gouvernail auxiliaire, un fletner et d’une girouette, tous reliés mécaniquement.

La girouette que l’on nomme plutôt “aérien” dans ce contexte, est ajustée par rapport à l’angle du vent. 

Une fois réglé, le tout garde le bateau toujours au même angle par rapport au vent. 

C’est complètement indépendant du nord magnétique et aucune source d’énergie n’est requise pour le faire fonctionner, seulement le vent et la vitesse du bateau.

regulateur
Aérien du régulateur d'allure

Notre premier regul’ avait sa propre histoire. Je l’avais trouvé par 5 mètres de fond sur un récif des Chagos, une île déserte au milieu de l’océan Indien, où un voilier avait coulé lors d’une tempête. Avec deux équipiers, on s’était monté une expédition de sauvetage, passant deux bonnes journées à plonger en apnée pour tout démonter et sortir toutes les pièces. On l’avait installé pour la première fois en Tanzanie en 2007. Il nous a bien servi pendant des années, avec quand même plusieurs casses majeures en cours de route et pas mal de réglages et réparations, jusqu’à sa mort définitive lors de la traversée du Mexique au Costa Rica en 2012. Il a fini comme table au bar « La Vida Loca » sur la plage de Playa del Coco, Costa Rica.

Fabrication du 2nd régulateur d'allure
Déc. 2015, Hiva Oa, Marquises

Notre deuxième regul’ est maintenant une version améliorée du premier, que j’ai moi-même fabriqué, en acier en 2015. Après plusieurs mises au point et quelques échecs cuisants, il fonctionne désormais parfaitement, ce qui signifie que nos longues heures derrière la barre font désormais partie du passé. On l’espère en tout cas.

La Vitesse

Karaka navigue mieux avec beaucoup de vent, et une brise légère nécessitera pas mal d’efforts de la part de l’équipage pour avancer.

Pour référence :

  • 1 nœud correspond à 1 mille marin par heure
  • 1 mille marin correspond à 1,852 km
  • 1 nœud correspond à 1,852 km / h


Pour Karaka, sous voile :

  • Moins de 3 nœuds (5,5 km / h) : c’est lent
  • 3 à 5 nœuds : c’est moyen
  • 5 à 7 nœuds : c’est rapide
  • 7 à 9 nœuds : c’est très rapide
  • Plus de 9 nœuds (16,5 km / h) : c’est rare


La vitesse de pointe maximale enregistrée sur Karaka est de 12,4 nœuds. Les propriétaires précédents m’ont dit qu’ils avaient atteint 13,5 nœuds.

La meilleure distance à la journée a été en Afrique du Sud en 2008, de Durban à Port Elizabeth, avec 242 milles en 24 heures. Il y avait pas mal de courant.

 

Et pour ces gens qui me demandent encore : pendant la traversée on n’ancre pas au milieu de l’océan, on fait des quarts et on ne s’arrête pas la nuit.

Les Quarts

La durée des quarts dépend selon le nombre d’équipiers à bord :

  • 2 équipiers : 3 heures de quart / 3 heures de repos
  • 3 équipiers : 3 heures de quart / 6 heures de repos
  • 4 équipiers : 3 heures de quart / 9 heures de repos
  • 5 équipiers : 2 heures de quart / 8 heures de repos
  • 6 équipiers : 2 heures de quart / 10 heures de repos
  • Etc…

Pendant les quarts, les équipiers doivent barrer si nécessaire, ou surveiller le cap si on est au regul’, surveiller les cargos et les bateaux de pêche pour éviter les collisions, et vérifier les changements de conditions météo, coup de vent, etc.

Les équipiers inexpérimentés ont leurs quarts aussi, mais le capitaine ou un autre équipier qui sait ce qu’il fait sera toujours dispo pour prendre le relais au besoin.

Manoeuvres & Navigation

Pour les manœuvres, tout le monde aide à réduire ou à changer les voiles et à empanner ou à virer de bord, même au milieu de la nuit.

La navigation se fait à l’aide du GPS. Le système GPS nous donne notre latitude et longitude exactes chaque seconde en utilisant des signaux satellites. Le processeur à l’intérieur du GPS calcule pour nous notre cap, notre vitesse et diverses autres informations utiles. Le signal du GPS peut être connecté à un ordinateur portable sur la table de navigation, sur lequel est installé OpenCPN, un système de cartes numériques. L’écran de l’ordi affiche alors une carte marine de la zone, avec la profondeur, le contour du sol, les aides à la navigation, ainsi que notre position sur la carte, notre direction, et il garde une trace d’où on est passé. 

Cela remplace presque les cartes papier, amis on en a toujours une bonne sélection en cas de panne d’ordi, bien que l’ordi de nav actuel soit un surplus de l’armée, un truc bullet-proof et étanche qui ne devrait pas nous lâcher de sitôt. Pour info la marque et le modèle sont : Getac B300. 

La navigation est le boulot du capitaine, mais je suis prêt à enseigner cet art mystérieux à toute personne intéressée. C’est franchement devenu super simple de nos jours avec les applis sur téléphone, qui sont assez ludiques. On a généralement un ancien téléphone dédié à la nav, avec Navionics et Ovitalmap dessus, qui est dispo à tout le monde pendant son quart. 

Pour être honnête, on utilise de plus en plus les téléphones et les cartes papier et l’ordi de nav sortent rarement en mer. En parlant de ça, si vous embarquez avec nous comme équipier, demandez autour de vous si personne n’a de vieux téléphones à donner, et apportez-en quelques-uns. La vie au grand air ne leur plait pas plus que ça et nos téléphones de nav nous lâchent assez souvent !